Nouvelle peinture
Je peine sur les dernières peintures du livre Rocks*, j’ai dû les recommencer plusieurs fois ; finalement, j’y ai mis des couleurs plus intenses et ça va mieux. Je les sens bien pourtant, mais l’accouchement est très difficile. J’ai l’impression que je ne crois plus à ce type de peinture ; ce sont certainement les dernières de ce style : je vais changer radicalement. Plus de photos, d’ailleurs : je n’ai pas fait une seule photo depuis notre arrivée à Tahiti. Un autre rapport contours/couleurs, quelque chose de beaucoup moins formel, mais plus abstrait et métaphysique, où le signe supplantera la forme et la couleur prendra une autre dimension, peut-être plus proche de la valeur.
J’essaie de percevoir sur ces dernières peintures quelques éléments des tendances futures. J’ai l’impression que la peinture se referme sur elle-même, et coupe ses contacts avec le sujet. Elle devient en elle-même un monde clos, où les forces circulent concentriquement, en oubliant leur origine : le sujet. Je me rapproche des trous noirs ou du monde interne de l’électron, des mondes qui aspirent les événements extérieurs dans un autre système de l’espace-temps dont rien ne s’échappe. Alors, les rapports entre les deux mondes ne peuvent plus être directs, mais se transmettent par une sorte de télépathie essentielle entre des éléments réels ou fictifs, intérieurs et extérieurs. C’est là que pourraient intervenir des signes, intérieurs au tableau et en même temps lisibles de l’extérieur, par nos sens.
* Série de 35 peintures sur les rochers d’Arizona (229-230, 260-290) destinées à illustrer le livre Rocks, qui n’a jamais vu le jour.
1er novembre 1984, Papenoo (Tahiti)