L’art, c’est quelque chose de personnel, d’intime, mais est-ce que ça veut dire qu’il ne faut pas le partager ? C’est une question délicate ! Pourquoi voudrait-on partager son art ? Quelle est la motivation ? Pour être reconnu ? Parce qu’on s’imagine qu’on a un message à transmettre ? Pour gagner sa vie ? Mais pourquoi ne pas le partager ? N’est-ce pas égoïste ? Le partage est un don : donner à voir pour la peinture ! Le tout est de ne pas avoir d’attentes : d’être populaire, célèbre… ou même d’être compris.

Est-ce que l’art doit se vendre ? C’est une question essentielle que je me suis toujours posée. Je pense que non, l’art ne doit pas se vendre, comme le Dharma*. Mais l’art est devenu un produit de consommation, comme le Dharma, et comme pratiquement tout dans notre société décadente. Pour la peinture, je n’aime pas le système des galeries, réservées à une minorité, et dont la majorité se sent exclue. La peinture de chevalet est née de ce système. Un exemple, dans l’expo d’Ansouis, il y a quatre salles : eh bien beaucoup de gens n’osent pas rentrer dans la grande salle où je me trouve.

À l’origine, l’art était sacré, et publique. Mais comme les artistes ne sont pas soutenus par la société actuelle, ils doivent vendre leurs œuvres pour vivre, ou faire un autre métier.

Pour l’écriture, on peut se poser les mêmes questions, mais ont-elles vraiment une réponse ?

Je pense qu’il faut écrire ou peindre ce qu’on sent, sans se soucier d’une éventuelle transmission, sans essayer de donner des clés ou d’expliquer. La création est au-delà du temps et de l’espace, donc des moments et des contextes. Ceux qui doivent percevoir percevront ce qu’ils ont à perce­voir : ce n’est plus le problème de l’artiste.

L’expression ou la transmission dans l’espace-temps, dans le monde matériel, a finalement peu d’importance. Il y a d’autres niveaux de réalité. Quand on vit dans ces autres niveaux de conscience, on se sent moins enraciné dans celui que la plupart des gens considèrent comme la seule réalité.

La poésie est peut-être la seule voie qui puisse exprimer l’essentiel, ce que nous sommes profondément. Quand la cogitation disparaît, c’est le royaume de la création pure : une sorte de folie. La poésie dit l’essentiel, sans mots inutiles. Je dois épurer ma prose pour qu’elle devienne poésie !

J’ai envie de recommencer à écrire, mais je ne sais pas encore quoi. C’est en écrivant que cela prend forme, que je trouverai l’inspiration, et peut-être la plénitude, comme dans la peinture…

* Dharma (sanscrit ; pali : Dhamma) : la doctrine du Bouddha, un des Trois Joyaux, avec le Bouddha et la Sangha. Dans un sens plus général, tout enseignement ou chemin spirituel. 

7 juillet 2016, Cabrières d’Aigues