Projets créatifs
Ces derniers jours, j’ai discuté longuement avec Ana : besoin de parler, d’enseigner, de la compagnie des femmes. Je parle aussi avec James, au petit déjeuner, en mangeant de la soupe au riz. J’ai peu travaillé sur la maison*, mais j’ai des tas d’idées, pour créer une œuvre, faire quelque chose d’amusant, et sortir de la morosité de cette architecture. Un projet que je pourrais lier à la peinture, ou au design de meubles et de luminaires. Mais attention que cela ne devienne pas laborieux et irréaliste dans le cadre local, et une nouvelle source de soucis pour les choses que je ne peux pas exécuter moi-même.
Est-ce que je ne préfère pas vivre dans le vide ? Il serait plus sage de simplement faire des projets, sans aucune intention de les réaliser ; mais la vraie sagesse serait de ne même pas faire de projets : simplement laisser les choses telles qu’elles sont. Enfin, construire une maison n’est pas laisser les choses telles qu’elles sont, peindre non plus, écrire non plus. Le visuel me semble toutefois plus sain que le mental, l’intellectuel, le conceptuel. Comme la musique ou les goûts (manger), les odeurs ou le toucher (le sexe), la vue est un plaisir sensoriel ; elle peut créer et percevoir des formes subtiles (l’art), mais peut-elle voir le sans-forme, la vacuité ?
Dans la création, il y a toujours un stress ; mais peut-être aussi une perception subtile de l’existence, de la réalité. Tant qu’on existe, on partage la forme, on ne peut pas disparaître dans la vacuité. Il faut donc trouver la façon la plus appropriée de travailler avec les formes. La création est aussi un moyen de faire plaisir, d’aider les autres, et d’évoluer soi-même. Finalement, la peinture, la création, est probablement la seule chose qu’il ne faut pas que je remette en question, ni que j’abandonne (avec la pratique spirituelle). Le reste est plus discutable. Mais y a-t-il tellement d’autres choses dans ma vie ? Encore trop, sans doute, qui me font perdre du temps et de l’énergie. Le tout est d’apprendre à laisser couler la vie, sans trop de préméditation, et être plus spontané quand l’action est nécessaire.
Voilà, une heure passée à noircir quelques pages de ce cahier : l’après-midi est presque terminé.
* La maison que j’ai construite en 1997 au Tao Garden, un centre taoïste situé à Doï Saket, près de Chiang Mai.
28 mars 1997, Hua Hin