Nous croyons que notre expérience dans le temps qui passe est seule réelle, et que les autres possibilités sont imaginaires ; mais c’est sans doute là qu’est l’illusion, l’ignorance. Nous avons peut-être des tas de vies parallèles, mais nous croyons qu’il n’y en a qu’une seule de réelle ; car, dans le temps qui passe, nous ne pouvons être conscient que d’une chose à la fois, et notre corps ne peut se trouver qu’à un endroit à la fois.

Les Chinois considèrent qu’ils sont chez eux au Tibet, de leur plein droit, et qu’ils sont là pour le bien des Tibétains : pour les aider à développer leur pays. Mais les Tibétains ne ressentent pas du tout la même chose : ils considèrent qu’ils sont chez eux sous l’occupation chinoise. Deux réalités relatives et subjectives qui s’opposent ! Quelle est la réalité absolue et objective ? Elle se situe à un autre niveau, où les réalités relatives ne s’appliquent pas, car elles ne sont que des vues partielles, ni vraies ni fausses, mais incomplètes, de la réalité. 

À notre niveau, chaque réalité relative n’est qu’une des possibilités de la totalité ! À laquelle nous sommes attachés, car c’est celle que nos sens perçoivent, dans le niveau de conscience du temps qui passe. Mais ce n’est qu’une perception parmi des quantités d’autres, qui, elles aussi, ne sont chacune qu’une possibilité de chaque expérience spécifique. Chaque expérience individuelle à un moment donné est vraiment futile et insignifiante, si on la compare à l’ensemble des expériences de tous les êtres, pendant toute la durée de leur vie dans le temps qui passe ; et encore plus insignifiante par rapport à toutes les possibilités du temps total à trois dimensions. 

Quand on ne vit pas dans le temps total (et éternel), mais dans la conscience ordinaire du temps qui passe, la vie est très limitée !

30 juillet 1991, Bangkok