Écriture et vérité
Les mots, les élucubrations discursives de la pensée logique et conceptuelle, ne sont que du verbiage et ne nous rapprochent pas de la vérité. Quand je vois le dernier numéro de la revue Question de – cinq cents pages sur Dieu –, son poids est déjà fatigant avant d’en avoir commencé la lecture. Vive les petits poèmes zen de Ryokan ou les courtes nouvelles de Borges !
C’est pourquoi mes écrits m’effraient. Comment ne pas tomber dans le travers du roman fleuve, par attachement à ses propres expériences, à son passé, à son œuvre ? Essayer d’en extirper l’essence, et de l’exprimer dans de petits poèmes ou de courts textes, condensés et incisifs, qu’on peut presque appréhender d’un seul coup d’œil, comme des peintures ou des dessins ! Ne pas vouloir raconter, ni prouver ou démontrer quoi que ce soit : ce sont les expressions discursives de l’esprit conceptuel et dualiste. Mais jeter des cris du cœur qui sortent directement des tripes, du hara, de la vacuité de notre vraie nature ; d’un autre niveau de conscience – celui qui perçoit directement les choses telles qu’elles sont – avec toujours la pointe d’irréel, de paradoxe, d’incertitude, d’humour qui suggère la couleur insaisissable et dérisoire de la vérité !
Et la vérité n’y est pour rien : c’est l’esprit, en s’imaginant la percevoir, qui a la stupide prétention de se croire réel et objectif !
31 octobre 1993, Hua Hin